L’Allemagne recadre Apple sur l’usage de l’allégation « neutre en carbone » pour ses montres connectées

Dans un communiqué publié le 26 août 2025, le tribunal régional de Francfort-sur-le-Main a annoncé avoir interdit à Apple de faire usage de déclarations de neutralité carbone en lien avec un mécanisme de compensation des émissions de gaz à effet de serre générées par la fabrication de ses montres connectées.

Les allégations de neutralité carbone d’Apple

Au cœur de cette procédure, la présentation par le fabricant de ses montres connectées comme « ses premiers produits neutres en carbone », constituant ainsi « une avancée majeure vers l’objectif climatique ambitieux d’Appel pour 2030 ».

Pour se prévaloir de telles performances, la marque met en avant un mécanisme de compensation des émissions de gaz à effet de serre générées par la fabrication des montres connectées par le biais de plantations d’eucalyptus au Paraguay.  

Ce programme, mis en place en partenariat avec l’entreprise Forestal Apepu, vise à permettre une reforestation durable dans les zones concernées, permettant de capter une quantité de dioxyde de carbone équivalente à celle émise dans le cadre de la fabrication des produits.

 La plainte de l’association Deutsche Umwelthilfe

Considérant qu’une telle allégation était de nature à induire le consommateur en erreur quant à l’impact climatique réel des produits concernées, l’ONG de défense de l’environnement et des consommateur Deutsche Umwelthilfe (DUH) a saisi la justice allemande en vue d’en obtenir la cessation.   

Dans un communiqué de presse publié le 26 août 2025, l’association a souligné que le système de compensation mis en place par la marque présentait de sérieuses limites :

  • d’une part, en raison de sa durée, les baux sur les zones couvertes par le projet expirant pour la plupart en 2029 sans garantie d’utilisation ultérieure ; et,

  • d’autre part, en raison de son fonctionnement reposant sur une monoculture nécessitant des intrants chimiques et une consommation importante d’eau, et dont le potentiel de stockage à long terme est discutable compte tenu de son caractère hautement inflammable.

 La position des juges allemands

Le tribunal régional de Francfort-sur-le-Main a donné raison à l’association plaignante.

Pour les juges, les compensations carbone mises en avant ne bénéficient pas de garanties de pérennité suffisantes compte tenu de l’expiration des baux en 2029.

Or, les consommateurs s’attendent raisonnablement à ce que de telles affirmations garantissent le stockage du carbone au moins jusqu’en 2050, conformément à l’Accord de Paris.

Ce n’est donc pas tant le système de compensation mis en place par le fabricant en tant que tel qui est critiqué par les juges allemands, mais bien la durée de celui-ci.

Il y a fort à parier qu’Apple fasse appel de cette décision de première instance.

Pour autant, cette décision constitue une mauvaise presse pour le fabricant qui fait par ailleurs l’objet de critiques similaires aux États-Unis.

En effet, un recours collectif (class action) a été introduit par plusieurs consommateurs accusant Apple d’écoblanchiment autour des systèmes de compensation carbone mis en place dans certaines régions du Kenya et de la Chine. Pour les plaignants, la reforestation dans ces zones était déjà engagée et les réductions de carbone auraient eu lieu indépendamment de l’implication du fabricant, lequel ne contribuerait pas à réduire davantage les émissions de carbone. 

Une procédure symptomatique de la lutte contre le greenwashing et de son ambivalence

Ces procédures s’inscrivent dans un contexte d’intensification de la lutte contre le greenwashing, visant à garantir que les consommateurs bénéficient d’une information honnête, fiable et compréhensible sur les impacts environnementaux réels des produits mis sur le marché.

Mais certaines associations alertent sur le risque que de telles procédures aient pour effet de réduire les incitations des industriels à mettre en place des initiatives visant à réduire l’impact carbone de leur production, à l’heure où il n’a jamais été aussi urgent d’encourager l’action climatique plutôt que de la décourager.

C’est d’ailleurs le principal argument mis en avant par l’Environmental Defence Fund (EDF), qui a soutenu la marque dans le cadre du contentieux en cours aux États-Unis.

L’association a ainsi déposé un mémoire d’amicus curiae dans lequel elle soutient la crédibilité des actions mises en oeuvre par Apple en matière de neutralité carbone. Pour l’association, le fait que le risque juridique dissuade les opérateurs de faire connaître au public leurs efforts en termes de compensation carbone préjudicie in fine aux consommateurs et à l’environnement.

Dans un communiqué, la vice-présidente de la cellule « Net Zero Ambition and Action » au sein de l’association a souligné la nécessité de soutenir, et non pénaliser les entreprises qui prennent des mesures en faveur de la protection de l’environnement afin que celles-ci restent ambitieuses dans leur lutte contre le changement climatique.  

Enfin, pour mémoire, la directive (UE) 2024/825 du Parlement européen et du Conseil du 28 février 2024 pour donner aux consommateurs les moyens d’agir en faveur de la transition verte grâce à une meilleure protection contre les pratiques déloyales et grâce à une meilleure information (dite « ECTG »), dont la transposition devra être applicable à partir de septembre 2026, interdit les allégations qui se fonderaient sur la compensation des émissions de gaz à effet de serre pour affirmer qu’un produit a une incidence neutre, réduite ou positive sur l’environnement.

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