Défaut d’information précontractuelle et confirmation tacite du contrat
La reproduction, sur les bons de commande, des dispositions du code de la consommation relatives aux informations précontractuelles devant être fournies par le professionnel dans le cadre d’un démarchage ne suffit pas à prouver que les acquéreurs avaient connaissance des irrégularités affectant la validité du contrat.
Cour de cassation, première chambre civile, 27 novembre 2024, pourvoi n° 23-18.904
Le 27 novembre 2024, la Cour de cassation était de nouveau appelée à se prononcer sur les interactions entre le droit spécial de la consommation et le droit commun des contrats.
On se souvient qu’un an auparavant, elle avait déjà rendu un arrêt intéressant concernant la nullité d’un contrat conclu entre un consommateur et un professionnel en cas de non-respect par ce dernier de son obligation d’information précontractuelle : le code de la consommation ne sanctionnant pas expressément le défaut d’information précontractuelle par une nullité du contrat¹, celle-ci peut néanmoins être encourue sur le fondement du droit commun des contrats si le défaut d’information a eu pour effet de vicier le consentement du consommateur (article 1130 du Code civil). Et la Cour de cassation de considérer que lorsque le défaut d’information porte sur des éléments essentiels du contrat (tels qu’en l’espèce, les caractéristiques essentielles des produits achetés ainsi que le délai de livraison et d’installation), le consentement est nécessairement vicié².
En cause cette fois, la possibilité de confirmer tacitement un contrat entaché de nullité, par le biais d’une exécution de celui-ci en connaissance de cause.
Les faits
Deux acquéreurs ont commandé une centrale photovoltaïque et un ballon thermodynamique à la suite d’un démarchage à domicile, et souscrit un crédit affecté auprès d’une banque.
Deux mois plus tard, le vendeur procédait à l’installation des panneaux et les acquéreurs signaient un certificat de livraison portant demande de libération des fonds empruntés.
La centrale était ensuite raccordée au réseau et un contrat de rachat de l’électricité était conclu entre les acquéreurs et EDF.
Cinq ans plus tard, les acquéreurs ont sollicité la nullité du contrat de vente conclu avec le vendeur, dont la liquidation judiciaire avait été clôturée pour insuffisance d’actif, ainsi que celle du crédit affecté.
En première instance, les juges avaient prononcé la nullité du contrat de vente (et, par voie de conséquence, celle du contrat de prêt) au motif que le vendeur n’avait pas respecté certaines dispositions du code de la consommation alors applicables aux contrats conclus à la suite de démarchage (absence de mention du nom du démarcheur, absence de précision de la marque et des références du produit vendu, de la surface et du poids des panneaux, de leurs caractéristiques en termes de rendement, de capacité de production et de performances, du prix unitaire HT et TTC de chaque panneau et des conditions d’exécution du contrat).
La position de la Cour d’appel³ : l’exécution volontaire du contrat par les acquéreurs en dépit de leur connaissance du défaut d’information précontractuelle vaut confirmation
Après avoir constaté que la nullité était encourue du fait de l’absence de certaines mentions prescrites par le code de la consommation, la Cour d’appel avait précisé que l’exécution volontaire du contrat, en connaissance de la cause de nullité, valait renonciation à se prévaloir de celle-ci conformément au droit commun des contrats⁴.
En l’espèce, la Cour d’appel avait considéré que les acquéreurs étaient en mesure de se rendre compte que le contrat était nul puisque les articles relatifs au démarchage étaient reproduits intégralement sur le bon de commande.
Aussi, les acquéreurs avaient exprimé leur renoncement à se prévaloir de l’irrégularité en (i) signant sans réserve une attestation de fin de travaux, en (ii) exploitant le matériel sans émettre aucune critique sur la qualité de celle-ci, et en (iii) procédant à la vente d’électricité à la société EDF.
La position de la Cour de cassation : l’absence de confirmation tacite par les acquéreurs
La Cour de cassation casse et annule l’arrêt d’appel au motif que la seule reproduction, sur les bons de commande, des dispositions du code de la consommation relatives à l’information précontractuelle en matière de démarchage était insuffisante pour caractériser la connaissance qu’avaient les acquéreurs des irrégularités affectant la validité des contrats.
Rappelons qu’en toute hypothèse, le non-respect des dispositions du code de la consommation relative à l’obligation d’information précontractuelle est passible d’une amende administrative pouvant aller jusqu’à 3 000 euros pour une personne physique et 15 000 euros pour une personne morale. Ce montant est porté à 15 000 euros pour une personne physique et 75 000 euros pour une personne morale lorsque le manquement porte sur l’existence et les modalités de mise en œuvre des garanties légales et des éventuelles garanties commerciales. Certaines sanctions spécifiques sont prévues en matière de contrats conclus à distance et hors établissement ou en matière démarchage, y compris des peines d’emprisonnement.
Notes de bas de page
(1) Le code de la consommation prévoit néanmoins certains cas de nullité en cas de non-respect du formalisme attaché notamment aux contrats conclus par voie électronique et hors établissement.
(2) Cour de cassation, première chambre civile, 20 décembre 2023, pourvoi n° 22-18.928.
(3) Cour d’appel de Paris, 23 mai 2023, RG n° 19/23017.
(4) L’article 1182 du Code civil (ancien article 1338) consacre le mécanisme de « confirmation », qui correspond à l’acte par lequel celui qui pourrait se prévaloir de la nullité y renonce. Cet acte, qui ne peut intervenir qu’après la conclusion du contrat, doit mentionner l’objet de l’obligation et le vice affectant le contrat. Le texte précise que l’exécution volontaire du contrat, en connaissance de la cause de nullité, vaut confirmation.