Conditions d’application du droit de la consommation aux contrats conclus entre professionnels
Pour que les dispositions protectrices du code de la consommation en matière d’information précontractuelle s’appliquent à un contrat conclu entre deux professionnels, il est nécessaire de vérifier que celui-ci a bien été conclu hors établissement, que son objet n’entre pas dans le champ de l’activité principale du professionnel sollicité et que ce dernier n’emploie pas plus de cinq salariés.
Cour de cassation, chambre commerciale, 4 septembre 2024, pourvoi n° 23-16.886
Un éditeur de logiciels dédiés aux métiers de la construction et de l’industrie avait conclu un contrat de vente de logiciel avec une entreprise de menuiserie. À la suite d’un défaut de paiement, l’éditeur a obtenu une ordonnance portant injonction de payer à l’encontre de l’acheteur, qui a formé opposition. Le tribunal de commerce de Nevers a déclaré cette opposition recevable et prononcé la nullité du contrat de vente de logiciel au motif que l’éditeur n’aurait pas apporté la preuve du respect de l’obligation d’information précontractuelle à laquelle il était tenu en matière de contrat conclu hors établissement.
Faisant une application stricte des dispositions du code de la consommation, la Cour de cassation casse et annule le jugement pour défaut de base légale au motif que :
Le tribunal n’a pas procédé aux vérifications nécessaires afin de déterminer si le contrat de vente avait été conclu hors établissement. La Cour rappelle qu’il était nécessaire de rechercher si les parties avaient été physiquement et simultanément présentes, soit au moment de la sollicitation, soit au moment de la conclusion du contrat, dans un lieu différent de celui où l’éditeur exerçait son activité ; et,
Le tribunal n’a pas procédé aux vérifications nécessaires afin de déterminer si l’acheteur pouvait bénéficier des dispositions protectrices du code de la consommation relatives aux contrats conclus hors établissement. Ainsi, à supposer que le contrat ait été conclu hors établissement, le tribunal aurait dû s’assurer que l’objet du contrat n’entrait pas dans le champ de l’activité principale de l’acheteur et que celui-ci n’employait pas plus de cinq salariés.
Cet arrêt offre l’occasion de revenir sur la notion de contrat conclu « hors établissement » et les enjeux qui y sont associés.
Notion de contrat conclu « hors établissement »
Le code de la consommation qualifie de contrat conclu « hors établissement » tout contrat conclu entre un professionnel et un consommateur :
dans un lieu qui n’est pas celui où le professionnel exerce son activité en permanence ou de manière habituelle, en la présence physique simultanée des parties, y compris à la suite d’une sollicitation ou d’une offre faite par le consommateur ;
dans le lieu où le professionnel exerce son activité en permanence ou de manière habituelle ou au moyen d’une technique de communication à distance, immédiatement après que le consommateur a été sollicité personnellement et individuellement dans un lieu différent de celui où le professionnel exerce en permanence ou de manière habituelle son activité et où les parties étaient, physiquement et simultanément, présentes ; ou
pendant une excursion organisée par le professionnel ayant pour but ou pour effet de promouvoir et de vendre des biens ou des services au consommateur.
Les contrats conclus hors établissement impliquent donc une rencontre physique en dehors de l’établissement du professionnel, à la différence des contrats conclus à distance qui se caractérisent par l’absence de contact direct entre les parties.
Conséquence de la qualification de contrat conclu « hors établissement »
Lorsqu’un contrat est conclu « hors établissement », les professionnels sont soumis à des obligations particulièrement contraignantes : communication d’informations relatives au contrat de manière claire et visible, fourniture de ces informations sur papier ou sur un autre support durable, remise d’un exemplaire daté du contrat sur papier signé par les parties ou sur un autre support durable, interdiction d’exiger une contrepartie financière dans les sept jours qui suivent la conclusion du contrat, etc.
Ces obligations s’étendent aux contrats conclus hors établissement entre deux professionnels dès lors que leur objet n’entre pas dans le champ de l’activité principale du professionnel sollicité et que celui-ci emploie moins de cinq salariés. Cette extension n’est pas applicable aux contrats conclus à distance.
Rappelons également que le critère du « champ de l’activité principale » du professionnel, qui relève de l’appréciation souveraine des juges du fond, est fréquemment débattu devant les juridictions.
A titre d’illustration de ce que recouvre cette notion :
Un contrat d’insertion publicitaire n’entre pas dans le champ de l’activité principale de la personne exerçant une activité de production et de fourniture de bois de chauffage (Cour de cassation, 1re chambre civile, 27 novembre 2019, pourvoi n° 18-22.525) ;
Un contrat de location de photocopieurs n’entre pas dans le champ de l’activité principale d’un professionnel de santé (Cour d’appel d’Aix-en-Provence, 19 mai 2022, RG n° 19/07680) ;
Un contrat portant sur la location de matériel de vidéo-surveillance n’entre pas dans le champ de l’activité principale de la personne exerçant une activité de restauration rapide (Cour d’appel de Douai, 6 juin 2024, RG n° 23/00108).