Champ d’application des règles encadrant la validité des clauses de non-affiliation
Les activités de services auprès de particuliers, telles que celles des agences immobilières, sont couvertes par la notion de « commerce de détail » au sens des articles L. 341-1 et L. 341-2 du code de commerce qui encadrent la validité des clauses de non-affiliation.
Cour de cassation, chambre commerciale, 5 juin 2024, pourvoi n° 23-15.741
Le 4 juin dernier, la chambre commerciale de la Cour de cassation a apporté une précision importante quant au champ d’application des articles L. 341-1 et L. 341-2 du code de commerce.
Ces articles, créés par la loi Macron du 6 août 2015, encadrent les relations contractuelles entre les réseaux de distribution et les exploitants de « magasins de commerce de détail ». Ils prévoient notamment que les clauses restreignant la liberté d’exercice de l’activité de l’exploitant postérieurement à la cessation du contrat sont par principe réputées non écrites, sauf si elles remplissent quatre critères cumulatifs tenant au champ matériel, géographique et temporel de l’interdiction et à son caractère indispensable à la protection du savoir-faire.
Par cet arrêt publié au bulletin, la Cour de cassation a précisé que la notion de « commerce de détail » au sens des articles L. 341-1 et L. 341-2 du code de commerce englobait les activités de services auprès de particuliers, telles que celles des agences immobilières.
Les faits à l’origine de l’arrêt
Un franchisé avait conclu avec une tête de réseau plusieurs contrats de franchise successifs portant sur l’exploitation d’agences immobilières sous enseigne « Century 21 » à compter de 1993.
Les contrats comportaient une clause selon laquelle le franchisé s’engageait notamment à ne pas s’affilier ou créer une chaîne concurrente de celle du franchiseur dans les agences concernées¹, et ce pendant une durée d’un an suivant la cessation du contrat de franchise.
Cette clause, a priori classique dans un contrat de franchise, comportait néanmoins un champ d’application très large puisqu’elle s’étendait aux ayants-cause du franchisé ainsi qu’à toute personne physique ou morale ayant exercé des fonctions dans ou pour la société franchisée au cours de l’exécution du contrat de franchise, ou détenu plus de 10 % du capital de cette société.
En 2019, après avoir résilié l’ensemble desdits contrats, le franchisé a adhéré à un réseau concurrent.
Se prévalant de la clause de non-affiliation, la société Century 21 a sollicité d’une part la cessation des relations commerciales entre le franchisé et le réseau concurrent, et, d’autre part, le versement d’une indemnité contractuelle pour violation de ladite clause.
Confirmant le jugement du tribunal de commerce de Paris ayant débouté le franchiseur de ses demandes, la Cour d’appel de Paris² réputé non écrites les clauses de non-affiliation contenues les contrats de franchise au motif que celles-ci ne remplissaient pas la totalité des critères de validité posés par l’article L. 341-2 du code de commerce³ : l’extension ratione personae de l’interdiction, non indispensable à la protection du savoir-faire du franchiseur, portait une atteinte excessive au libre exercice de l’activité du franchisé.
Le débat juridique
Le franchiseur contestait l’application de l’article L. 341-2 du code de commerce au motif que celui-ci ne concerne que les contrats conclus entre une tête de réseau et une personne exploitant « un magasin de commerce de détail » et ayant pour but l’exploitation de ce magasin. Aussi, les agences immobilières seraient des activités de service sans vente de marchandises et devraient par conséquent être exclues du champ d’application de la loi.
Sur ce point, la Cour de cassation répond que la loi poursuit un objectif d’intérêt général consistant à faciliter les changements d’enseigne en vue d’augmenter le pouvoir d’achat des consommateurs et diversifier l’offre, tout en permettant aux commerçants de faire jouer la concurrence entre enseignes. Cet objectif ne justifie aucune différence de traitement entre les réseaux, selon qu’ils exercent une activité de vente de marchandises ou une activité de services.
Elle en conclut par conséquent que :
« la notion de « commerce de détail » ne peut être entendue au sens de la seule vente de marchandises à des consommateurs et peut couvrir des activités de services auprès de particuliers, telle une activité d’agence immobilière. »
Une autre précision intéressante mérite d’être relevée : lorsqu’un seul élément de la clause de non-affiliation a pour effet de rendre celle-ci disproportionnée, c’est la clause dans son ensemble qui doit être réputée non écrite. En l’espèce, bien que limitée dans le temps et dans l’espace, la clause de non-affiliation devait être réputée non écrite dans sa globalité au regard de la seule extension ratione personae de l’interdiction.
Notes de bas de page
(1) Deux rédactions successives figuraient dans les contrats : dans un premier temps, l’interdiction s’étendait aux départements dans lesquels le franchisé disposait d’une agence ou de succursales. Par la suite, le champ territorial de l’interdiction a été resserré afin de ne couvrir que les locaux dans lequel le franchisé avait son agence et ses succursales éventuelles.
(2) Cour d’appel de Paris, 8 février 2023, RG n° 20-14.328.
(3) S’agissant du contrat conclu antérieurement à 2015 et donc non soumis à la loi Macron, la Cour d’appel a procédé à une analyse de la proportionnalité de la clause de non-affiliation.