LE REPLAY DU MOIS

  • La Commission ouvre une enquête sur d'éventuelles pratiques anticoncurrentielles de Red Bull

Le 13 novembre 2025, la Commission a annoncé l’ouverture d’une enquête formelle à l’encontre de Red Bull pour suspicion d’abus de position dominante dans le secteur des boissons énergisantes. Elle examine notamment certaines incitations monétaires ou non-monétaires accordées à des distributeurs et, de manière assez inédite, l’utilisation abusive de son rôle de « category manager » en vue de désavantager les produits concurrents. Le communiqué de la Commission est accessible ici.

  • La Commission sanctionne Chloé, Gucci et Loewe à hauteur de 157 millions d’euros pour fixation des prix de revente

Le 14 octobre 2025, la Commission a annoncé avoir infligé des amendes aux trois marques de luxe pour avoir imposé à leurs distributeurs indépendants (points de vente physiques et boutiques en ligne) de ne pas s’écarter des prix conseillés et de respecter certaines limitations concernant les promotions, et, dans le cas de Gucci, pour avoir limité les ventes en ligne de ses distributeurs. La décision sera publiée prochainement. En attendant, le communiqué des disponible ici.

  • Pratiques abusives des salles de sport et de remise en forme

Le 2 septembre 2025, la DGCCRF a publié les résultats de son enquête menée en 2022 et 2023 auprès de 571 établissements : au total, plus de 70 % des établissements contrôlés se sont avérés non conformes sur au moins un aspect, parmi lesquels figurent notamment l’absence de remise des CGV ou du règlement intérieur avant la signature des contrats, le manque d’informations sur le droit de rétractation ou le médiateur de la consommation, des clauses rédigées en caractères trop petits ou encore des offres promotionnelles trompeuses ou assorties de frais supplémentaires ou conditions cachées et de fausses promesses, telles que la possibilité d’obtenir les mêmes résultats qu'une séance de sport de 4 heures avec seulement 20 minutes d’exercices. Le communiqué de la DGCCRF est accessible ici.

  • Apple sanctionnée en Allemagne pour ses montres « neutres en carbone »

Le 26 août 2025, le tribunal régional de Francfort-sur-le-Main a annoncé avoir interdit à Apple de faire usage de déclarations de neutralité carbone en lien avec un mécanisme de compensation des émissions de gaz à effet de serre générées par la fabrication de ses montres connectées par le biais de plantations d’eucalyptus au Paraguay. À l’origine de cette affaire, une plainte déposée par l’ONG de défense de l’environnement et des consommateur Deutsche Umwelthilfe (DUH), qui considérait cette allégation comme étant de nature à induire le consommateur en erreur quant à l’impact climatique réel des produits.  Pour les juges allemands, les compensations carbone mises en avant ne bénéficient pas de garanties de pérennité suffisantes dans la mesure où les baux sur les zones couvertes par le projet expirent en 2029. Le communiqué est accessible ici (en allemand), et l’article du cabinet sur le sujet est disponible ici

  • La Commission publie ses premières orientations informelles

Le 9 juillet 2025, la Commission a publié ses deux premières lettres d’orientations informelles sur la compatibilité avec le droit de la concurrence d’un accord de durabilité visant à réduire les émissions de CO2 dans les ports européens et la création d’un groupe de négociation de licences automobiles. Pour mémoire, la Commission avait, au mois d’octobre 2022, actualisé les critères lui permettant de fournir des orientations informelles aux entreprises dans des affaires qui soulèvent des questions nouvelles ou non résolues, y compris dans les situations de crise ou dans d’autres situations d’urgence. Le communiqué est accessible ici

L’AFFAIRE DU MOIS

  • La traque de Shein

Difficile d’échapper à l’actualité très dense entourant la plateforme chinoise d’ultra fast-fashion Shein. L’ouverture très commentée d’une boutique au BHV, les enquêtes journalistiques qui se multiplient, les alertes des associations… et, dernier scandale en date, la mise en vente de poupées sexuelles à l’effigie d’enfants.

En quelques mois, Shein est devenue un sujet omniprésent dans le débat public.

Si la plateforme cristallise autant de critiques, c’est parce qu’elle incarne un modèle économique de plus en plus incompatible avec les attentes réglementaires, sociétales et environnementales. Elle concentre à elle seule les grandes problématiques du droit économique contemporain : transparence des chaînes d’approvisionnement, loyauté de l’information au consommateur, pratiques commerciales trompeuses, conformité douanière, protection des mineurs, sécurité des produits, impact environnemental du textile, etc.

Mais au-delà du tumulte médiatique, les autorités – françaises, européennes et internationales – organisent progressivement une véritable riposte juridique. Une riposte qui mobilise de nombreux outils : contrôle des pratiques commerciales, encadrement de la publicité, lutte contre la contrefaçon, surveillance douanière, etc.

La « traque de Shein » illustre ainsi la convergence de mécanismes juridiques encore parfois dispersés, mais guidés par une même ambition : mieux protéger le consommateur et favoriser des modèles économiques plus responsables.

Non-respect de la déontologie publicitaire

En octobre 2025, le Jury de Déontologie Publicitaire (JDP), instance chargée du contrôle de la déontologie publicitaire associée à l'ARPP, s’est prononcé sur une campagne promotionnelle visant à valoriser les engagements sociaux et écologiques de l’entreprise.

Saisi par certains consommateurs et l'association France Nature Environnement, qui reprochaient à la plateforme d'avoir cherché à se donner une image faussement respectueuse du bien-être social et de l’environnement, le JDP a considéré que les engagements mis en avant étaient formulés de manière trop vague et insuffisamment vérifiable, ne permettant pas au consommateur moyen d’apprécier la réalité de ces affirmations.

Il en a profité pour insister sur la responsabilité particulière qui pèse sur les acteurs de l'industrie textile en raison de "l’impact environnemental de cette industrie et de la forte sensibilité du corps social à cette question. 

Fausses réductions de prix et écoblanchiment

Dans un communiqué de presse publié le 3 juillet 2025, la DGCCRF a annoncé avoir conclu une transaction à hauteur de 40 millions d’euros avec la société Infinite Styles Ecommerce Limited, qui exploite la plateforme Shein en Europe. L’administration reprochait à la plateforme d’afficher des promotions permanentes sans respecter les règles relatives au prix de référence, créant faussement une illusion de bonnes affaires, et de s’être présentée comme une entreprise responsable, ayant réduit de 25 % ses émissions de gaz à effets de serre, sans pour autant fournir de preuve de ces allégations. Une enquête est par ailleurs en cours au niveau de l’autorité italienne de concurrence concernant l’emploi par l’opérateur d’allégations génériques, vagues, confuses et trompeuses.

Fin mai 2025, la Commission européenne annonçant avoir engagé une action contre Shein à la suite d’enquêtes menées par la France, la Belgique, l’Irlande et les Pays-Bas et ayant révélé l’existence de pratiques commerciales trompeuses envers les consommateurs européens (faux rabais, pression à l’achat, informations mensongères ou opaques concernant les conditions de vente).

Interfaces trompeuses pour inciter à la surconsommation

25 associations de consommateurs européennes, dont l’UFC-Que Choisir, ont alerté la Commission européenne conjointement avec le Bureau européen des unions de consommateurs (BEUC) quant à l’utilisation par SHEIN d’interfaces trompeuses visant à pousser à la surconsommation (« dark patterns ») : sollicitations répétées incitant les consommateurs à finaliser un panier ou à rester sur la plateforme, notifications répétées destinées à créer une impression artificielle d’urgence à acheter, faux compteurs de stock ou de temps limités, etc.

Non-respect des obligations d’information sur les qualités et caractéristiques environnementales des produits générateurs de déchets

Au mois de juillet, la DGCCRF avait également annoncé avoir prononcé une amende administrative de 1,098 million d’euros à l’encontre de l’opérateur pour non-respect des obligations d’information sur les qualités et caractéristiques environnementales des produits générateurs de déchets introduites par la loi relative à la lutte contre le gaspillage et à l'économie circulaire du 10 février 2020 (AGEC). En l’occurrence, une enquête avait établi l’absence de l’information relative à la présence de microfibres plastiques dans les produits alors même que celle-ci doit être mise à disposition du consommateur dès lors que la proportion de fibres synthétiques dans le produit est supérieure à 50 % (sous la forme de la mention « rejette des microfibres plastiques dans l'environnement lors du lavage »).

LA QUESTION DU MOIS

  • Une marque peut-elle toujours se vanter d’être « écoresponsable » ?

Ces dernières années, l’allégation « écoresponsable » s’est imposée comme un argument commercial puissant. Elle séduit, rassure et influence l’acte d’achat. Mais son emploi n’est plus anodine : il est de plus en plus encadré et constitue désormais un terrain de contrôle prioritaire pour les autorités.

L’ARPP et le Jury de Déontologie Publicitaire rappellent régulièrement que des termes généraux tels que « écoresponsable », « vert », « durable » ou « neutre en carbone » ne peuvent être utilisés sans preuves robustes, précises et contextualisées.

La directive (UE) 2024/825 du Parlement européen et du Conseil du 28 février 2024 pour donner aux consommateurs les moyens d’agir en faveur de la transition verte grâce à une meilleure protection contre les pratiques déloyales et grâce à une meilleure information (dite « ECTG »), dont la transposition sera applicable à partir de septembre 2026, interdira les allégations environnementales non spécifiques lorsque aucune performance environnementale excellente reconnue ne peut être démontrée.

La proposition de directive sur les allégations environnementales explicites (« Green Claims »), dont l’avenir demeure incertain (pour lire , instaurait notamment un mécanisme de vérification préalable et des critères précis pour justifier certaines allégations environnementales. Même si son adoption est compromise, elle illustre le mouvement de fond : un encadrement renforcé des messages environnementaux.

Le recours à cette allégation reste en théorie possible, mais à condition de respecter certaines conditions très strictes :

  • être spécifique : l’opérateur doit expliquer précisément ce qui est « écoresponsable » (fabrication, logistique, programme de réemploi, réduction d’un impact mesuré, etc.) ;

  • s’appuyer sur des preuves vérifiables, fondées sur des données objectives, exactes, actualisées et mesurables ;

  • éviter les formulations absolues : le caractère « 100 % écoresponsable » sera toujours considéré comme excessif ;

  • assurer une cohérence globale : une marque ne peut revendiquer une démarche « écoresponsable » si d’autres pratiques internes révèlent l’inverse.

En conclusion : l’allégation « écoresponsable » n’est plus un terme marketing comme un autre. Elle devient un véritable engagement juridique, susceptible d’être contrôlé et sanctionné lorsqu’il n’est pas suffisamment étayé.

Les entreprises ont tout intérêt à abandonner les allégations génériques au profit d’engagements contextualisés. Il est indispensable de privilégier la précision, assurer la transparence et prouver chaque affirmation afin de ne pas s’exposer à des risques juridiques, financiers et réputationnels.

Fair Play Numéro 1 Décembre 2025